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Expo.

Le Parlement D'une Île. Saint Martin.

PROJET ARTISTIQUE: "L'ÉTAT VARIABLE ET IMPRÉVISIBLE DES CHOSES"

L'état variable et imprévisible des choses. Silvia Jiménez Gutiérrez.

​

I.

Ils m’avaient imposé le travail que j’avais attendu toute ma vie -pero frente a la idea de por fin exprimir mi alma de artista-, j’étais bloquée, la crise habituelle.

 

LE PARLEMENT D’UNE ÎLE.

 

J’avais  deux certitudes:

La première: je voulais peindre. Je voulais peindre l'île, son paradis et son chagrin, sa beauté et son danger, sa nature et sa dégradation. Et je voulais le faire avec de l'aquarelle; cette technique fragile et variable, qui ne peut pas être contrôlée, qui risque, qui glisse, cette technique que l'eau rend vivante, qui représente cet "état variable et imprévisible des choses”[i]

 

Ma deuxième certitude: Aborder LA GLOBALISATION.

Un concept récurrent, banalisé mais que je voulais requestionner. -Después de la catastrofe, después del huracán- il y avait ces materiaux, les restes de la globalisation sur l'île Saint Martin, sur les Antilles, sur les Caraïbes. Des matériaux arrivés de loin, qui avaient traversé des pays et des océans pour s’echouer sur l'autre côté de la terre.

 

Cette île qui appartient à quelqu'un autre, qui est de tous et de personne, qui dépend d'un tourisme dévastateur, du croisement des routes marchandes. Une île qui va disparaître submergée si l’on continue à vivre de cette manière. Une île paradisiaque, avec ses gammes infinies de bleus, ses eaux, ses montagnes, ses singes, ses iguanes, ses lagunes, ses mangroves, ses langues, ses chansons de carnaval, une île qui montre "l'avenir des cultures et civilizations dans une société où les échanges croissants entre individus produisent nouveauté et inconnu. Métissage, transfert de cultures, nomadisme, migration"[ii]

 

II.

Moi qui viens des tropiques, qui essaie de m'intégrer dans une culture qui n’est pas la mienne, qui m’approprie d’une langue qui ne m’appartient pas, moi, qui m'habille de la même manière que le reste de la planète, moi, qui dépasse mon empreinte carbone, moi, qui suis l’image vivante de cette planete globalisé, qui suis le résultat de l'accès à l'information dans la poche, de la facilité de prendre un avion. Parcourir 8.599km, traverser l'Atlantique, pourchasser le soleil et l'atteindre avant qu’il ne s'endorme -volar 10h persiguiendo el sol-.

 

“L'habitant intérieur de mon être”

Moi qui me perd par hasard dans les galeries de Saint Germain des Prés, qui me camoufle dans les chariots des courses du 7ème arrondissement, qui de ma fenêtre regarde fascinée la neige dans les toits du baron haussmann.

Porte de service, dernier étage, chambres 4 & 5.

Moi qui trouve romantique cette idée d'habiter à Paris, étudiante, jeune.

 

Moi qui, comme l'île, porte l'histoire de la colonisation, moi qui, comme l'île, écris ce texte en deux langues, qui porte le sang créole du sud -la sangre criolla del sur-, le sang d’une Amérique latine issue des modèles confus de l'occident, qui se sent attiré par la consumation, qui ne se comprends pas avec ses nations voisines -sus paises hermanos-, qui n'arrive pas à comprendre que sa couleur est celle d’une nouvelle aube. -“que su sangre es del color de un nuevo amanecer”-.

 

 

III.

Je me suis rendue compte que je n'avais pas besoin de partir sur l'île pour trouver les “matériaux de réemploi” que je voulais utiliser. Les matériaux que là-bas contaminent la mer, les vents et le sable c'étaient les mêmes matériaux que je pouvais récupérer dans les rues parisiennes, ou les rues de n'importe quelle ville, n’importe quel village, n'importe quelle forêt, quelle jungle, quel désert ou quel mangrove - que bosque, que jungla, que desierto o qué manglar-.

Je m'amusais en parcourant en vélo les rues avant 18h, en cherchant mes trésors.

 

Une porte d'une cuisine trouvée à Belleville, une partie d'un four sous une voiture près du Pavillon de l'Arsenal, un verre d'un frigo sur la rue de l'atlas, un couverture d'un lit qui appartenait à quelqu'un autre, une plancher trouvé pas loin de la Gare de Lyon, un carrelage à jeter de mon nouvelle bureau, un gant sur la Rue Littré… mes trésors !

 

Ces objets dans ma chambre me posent des questions, m'interrogent sur leurs itinéraires, leur provenance, leurs origines, leur naissance. -Nos confrontamos- J’y pose mes aquarelles, ma fragile peinture à l’eau, le risque imprévisible de peindre où “il ne faut pas” où “il ne faut plus”, sur des porosités qu'on ne maîtrise pas, sur les surfaces oú rien n'est prévu. Et elles devenaient autres… quelque chose qui est une lorsqu’elle est humide (la beauté des « coulisses » inaccessible aux spectateurs) et qui en est une autre quand elle est sèche, quand elle est vue de face ou de derière -dos caras de la obra-. Et moi je continuais à prendre le risque d'échouer, mais qu’est ce que l’échec ?

 

Et voilà…

Dehors il neige mais les Caraïbes sont dans ma chambre, je suis l’ile !

​

 

[i] B. Latour. « Equise d’une parlement des choses ».

[ii] É. Glissant « Lain cœur de mons » exposition.

 

F. Ruffin. « Il est où le bonheur? »

 

Collaborations : J. Echeverri, G. Karoubi, F. Poubeau.

    01   /   2021

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